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28 décembre 2011 3 28 /12 /décembre /2011 22:26

 

Aujourd'hui j'accueille La Bouseuse sur mon blog.
Moi qui ai tant envie d'un accouchement différent, mais qui ne peut pas prévoir d'accouchement à domicile ni en plateau technique, j'ai été très touchée par le récit de son accouchement.
Malgré l'univers médicalisé et l'accouchement "classique" vers lequel elle se dirigeait, La Bouseuse a su s'approprier totalement son accouchement et réussir à donner la vie de la manière qu'elle le souhaitait.
Son récit est un exemple pour moi, il me motive et m'encourage. Je le relirai plusieurs fois avant d'accoucher.
Merci La Bouseuse, et bonne lecture à toutes !

Presque un mois après l'accouchement, l'envie d'écrire ce récit est toujours là.
Garder trace de ces moments hors du temps. Hors du temps au point que je ne sais où commencer ...

La belette a été posée sur mon ventre le mardi soir, un peu avant 23h. La date prévue de l'accouchement était presque trois semaines plus tard.

Le matin de ce mardi, je m'étais réveillée après une nuit un peu agitée, des douleurs légères, un peu comme des règles. Je m'en réjouis, c'est signe que ça travaille, et puisque je vais accoucher dans quelques semaines, il est temps !

J'avais prévu de faire un saut au bourg, mais comme j'ai toujours ces petites douleurs intermittentes, je temporise. Une sage-femme, appelons là Noisette, doit passer à la maison dans la matinée, pour faire connaissance et éventuellement me suivre après l'accouchement. En l'attendant, on termine le sac pour la maternité. Noisette est une sage-femme libérale très intéressée par l'accompagnement des accouchements à domicile, mais aussi très prudente sur ce chemin. Elle arrive, le courant passe formidablement. Remarquant l'écharpe suspendue à la barre de traction et le gros ballon en dessous, elle nous propose de l'appeler en début de travail, pour qu'elle nous indique quand partir à la maternité, et même, apprenant que le Chapeauté n'a pas le permis, de nous conduire à la maternité. N'est-ce pas qu'elle est géniale ?

Elle repart, on reprend le fil de notre journée. Je regarde quelques blogs, en commente un, celui d'une compagne de grossesse, qui nuance la notion d'être prête pour l'accouchement. J'écris "Il y a encore quelques jours, j’aurais pu écrire ce billet. maintenant, je pourrais juste “presque l’écrire”. Parce qu’en fait, avant, je n’étais pas tout à fait prête, et si le petit singe tout nu était arrivé, je crois que je me serais sentie frustrée d’une partie de ma grossesse. Alors que là, s’il se décidait, je ne me dirais plus que c’est quand même un peu tôt." (alors que la veille, je disais à la même "Tu commences à être impatiente ? Moi je suis toujours aussi "on est tellement bien comme ça") J'essaie de faire la sieste, les petites douleurs intermittentes sont toujours là. Vers 15h, je commence à jouer avec l'idée que ces douleurs diffuses sont peut-être des contractions de pré-travail.

Un peu par jeu, persuadée qu'on va me répondre que non, je suis encore loin d'éprouver les vraies contractions, je tweete "Dites, quand on a une contraction on le SAIT non ? #grossesse", et, devant les réponses partagées, je précise "J'ai des douleurs dans le dos, les reins et le bide, qui vont et qui viennent, mais pas de sensation de durcissement." Certains de mes adorables abonnés commencent à me dire d'aller à la maternité, mais non enfin, sont-ils impatients, ce ne peut être que du pré-travail, je n'accoucherai pas aujourd'hui, voyons ... Cela dit, c'est une excellente occasion de se mettre en condition et de tester les positions d'accompagnement au travail que nous avons vues la veille avec notre sage-femme haptonome. Hop, Metals de Feist en fond sonore, je me pends à l'écharpe, ou au cou du Chapeauté, je joue avec le ballon ... Mmmh, ça ne s'intensifierait pas un peu tout ça ? Non, je délire sans doute, je me monte la tête ... D'ailleurs je n'ai pas vraiment mal, ce n'est pas ça. On note l'espacement des contractions, toutes les six à dix minutes, mais toujours sans douleur réelle. Le Chapeauté commence tout de même à s'inquiéter, "tu ne voudrais pas qu'on appelle Noisette ?", je temporise, prends deux Spasfon, une douche chaude sur les reins, le Chapeauté tente un massage que j'interromps, c'est désagréable. Les "contractions" persistent. J'appelle la maternité, la sage-femme me dit de la rappeler dans deux heures, ce n'est probablement que du pré-travail. Il est 18 h et le Chapeauté insiste pour appeler Noisette, qui promet de passer dès que possible - elle arrive presque deux heures plus tard.

Dès que je la vois, je m'apaise, et l'idée qui avait commencé à faire son chemin - celle que j'étais réellement en travail malgré mes doutes - s'éloigne. Les sensations s'apaisent, la dilatation est à peine entamée, je me sens un peu ridicule de l'avoir fait se déplacer pour rien, mais Noisette me rassure, me dit qu'elle va rester une heure ou deux, voir comment cela évolue. Elle me propose d'essayer de dormir, à ce stade elle pense que l'accouchement pourrait avoir lieu le lendemain, et j'aurai besoin de forces. Je m'allonge, une bouillotte dans le creux des reins, vite enlevée, elle me dérange. Au bout de quelques minutes je redescends, la position allongée me fait mal. Le Chapeauté et moi reprenons les exercices, Noisette est assise dans le canapé, très discrète. Je l'oublie presque, je suis dans mon cocon, dans notre maison minuscule et douillette, avec la musique que nous avons choisie (ce doit être du violon, Bach, à ce moment-là), concentrée sur ce que je ressens, la force et la douceur du Chapeauté auquel je m'accroche. J'entre dans une sorte de bulle, je prends une vague après l'autre, dans un état un peu second, à la fois consciente à l'extrême et complètement ailleurs. Je reconnais maintenant nettement les contractions, même si je n'ai toujours pas l'impression de quelque chose qui se contracte, ni même d'une réelle douleur. Il s'agit plus d'un effort intense, qui me laisse à la fois épuisée mais aussi avec une sensation de bien-être quand il s'achève. Peu à peu une image s'impose à moi, je suis en train d'escalader une paroi et chaque contraction est un moment où je me hisse, c'est très fort, éprouvant mais encore une fois, je n'ai pas mal ... et voilà que je perds les eaux.

 

Noisette m'examine pour la deuxième fois, elle m'annonce une dilatation à 2-3 cm et nous dit qu'on va partir à la maternité. Elle va préparer sa voiture et le Chapeauté y amène nos affaires pendant que je m'habille. (En fait, je suis dilatée à 4 et Noisette est allée mettre dans sa poche un scalpel, au cas où le trajet accèlérerait le travail ; elle a perçu que mon accouchement serait rapide et sait que l'ambulance pourrait mettre du temps à arriver.) Alors que le Chapeauté revient me chercher, une nausée me met K.O. debout et je vomis cinq jets brûlants ... Noisette nous dira plus tard que c'est un signe d'un travail qui s'accélère encore, et qu'elle suppose qu'à ce stade je suis dilatée à 7 ... Au moment de quitter notre maison, j'ai un instant de panique, je souffle à Noisette "J'ai peur de ne pas y arriver" ... De sa belle voix apaisante, elle me répond doucement "Oh moi, j'ai toute confiance".

Je m'installe à l'avant de sa voiture, le Chapeauté appelle la maternité pour prévenir de notre arrivée. Il me prévient que je ne pourrai pas accoucher dans la salle nature, et j'adresse une pensée à la femme qui y met au monde un enfant (en fait, la salle n'est pas encore en service !). S'ensuit le trajet sans doute le plus étrange de ma vie ... J'ai les yeux fermés presque en permanence, et j'ai l'impression que la voiture est un véritable bolide alors qu'on ne dépasse pas les 50 à l'heure ... A chaque contraction - elles s'espacent - je me suspends à deux mains à la poignée au plafond de la voiture et souffle, m'accrochant à la voix de Noisette qui très bas me dit "très bien" ... Et entre les contractions, je somnole !

Nous voilà arrivés, je sors de la voiture, le Chapeauté me prend dans ses bras, et nous disons des mots d'amoureux, effarés et émerveillés ... on y est, on va, d'ici le matin, prendre notre fille dans nos bras ... Il est 22h. Avant d'arriver aux portes de l'hôpital, j'ai une contraction, bien plus forte que la précédente, je me suspends aux épaules du Chapeauté ... Nous prenons l'ascenceur, Noisette est toujours avec nous, et nous arrivons devant le plus long couloir du monde, au bout duquel se trouve la salle d'examen ... J'aurai quatre contractions avant d'y arriver.

Une fois entrée, la sage-femme de service se présente, une auxiliaire de puériculture l'accompagne, Noisette et le Chapeauté sont repartis à la voiture chercher les bagages ... La sage-femme de la maternité me dit qu'elle a lu notre projet de naissance, et me demande ce qui est le plus important pour nous ... Moment d'effarement, que me veut cette femme, je ne suis pas en état d'avoir une discussion ! J'expulse quelques mots "On est dans la ligne de l'hôpital !" (c'est une très chouette maternité) puis "Ne pas être séparés de notre enfant" ... Là-dessus, elle me laisse seule dans la salle d'examen, cela ne dure que quelques minutes ou peut-être quelques secondes avant que la sage-femme et Noisette ne reviennent, mais je les vis dans une angoisse terrible.  Après un rapide examen, on me dit que je suis dilatée à 9 ... je me dis que ça fait beaucoup, sans réaliser que c'est presque fini !

Je me suis mise à genoux sur la table d'examen, quand le Chapeauté revient je me suspends à son cou. La sage-femme demande dans quelle posture je veux m'installer, "Je suis bien comme ça", elle répond quelque chose, je n'entends pas, je suis revenue dans ma bulle, contre mon amoureux, c'est comme si je retrouvais le cocon de la maison. Complètement déconnectée de la salle et du lit d'examen, de l'agitation du duo médical, on me met en position "à l'anglaise", puis en positions gynéco sans étriers,, mes pieds poussant sur les mains des soignantes, on essaie de me mettre un monitoring (et là, la lègère pression sur mon bas-ventre est très douloureuse, allez comprendre), on me dit qu'il va falloir pousser ...

Quoi, déjà ? Mais on vient d'arriver, ils sont fous ces gens ! De toutes façons, si c'est le moment de pousser, je ne pourrai pas m'en empêcher, et je devrai juste accompagner la poussée, j'ai tout bien retenu la leçon de la veille ... Du coup, à la contraction suivante (et depuis que je suis allongée, les contractions sont bien moins efficaces), je me contente de visualiser une ouverture, d'imaginer la belette descendre ...

La sage-femme s'énerve "Mais vous ne poussez pas, là, vous ne me donnez rien !" A la contraction suivante, elle prévient "Si vous ne poussez pas, on va devoir appeler la gynéco, votre belette n'est pas bien là ... Quand ça fait mal, poussez !" Et moi de répondre, apparemment d'un ton furieux, mais en fait simplement très désemparée "Mais j'ai pas mal !" ... Et là, Noisette vient me chuchoter à l'oreille "Il faut pousser comme si vous vouliez faire caca, c'est pas très beau, mais on s'en fiche, c'est ça qu'il faut faire" ... D'accord, si Noisette le dit ... Une contraction, je pousse, elle passe, et la sage-feme me dit qu'elle voit la tête de notre fille, elle me la fait toucher, c'est incroyable et je souffle d'une voix tremblante "C'est pas vrai ?". Je viens seulement de comprendre à quel point la rencontre est imminente. Une deuxième poussée, j'entends de très loin la sage-femme gueuler  des rugissements de supporter sportif "C'est magnifique ce que vous faites, allez-y allez", mais je me concentre sur les mains de mon amoureux sur lesquelles j'appuie de toutes mes forces les miennes, et ses paroles chuchotées à mon oreille "On va bientôt voir notre fille, c'est pour ça que tu fais ça, je suis là, je suis avec toi".

Une troisième contraction, je pousse, une sensation de brûlure mouillée, elle est là, déjà, on me la pose sur mon buste en me disant "la voilà votre belette, elle est belle". J'ouvre les yeux pour la première fois depuis mille ans, je la regarde et je veux dire qu'elle est bien mieux que belle, elle est forte, elle est éveillée, elle est fabuleuse ... et je dis "Elle est toute fripée" !


Cela fait moins d'une heure que nous sommes à la maternité. Notre fille regarde partout avec de grands yeux. Elle n'a pas crié, même si le cordon a été clampé un peu tôt. La gynéco appelée plus tôt arrive, pour constater que finalement, on n'a pas eu besoin d'elle. Une fois ma déchirure (superficielle mais longue) recousue, les soignants se retirent, nous laissant deux heures tous les trois. Posée contre mon buste, couverte d'un drap et d'une couverture, je sens son petit poids, sa chaleur ... et quand je détache mes yeux d'elle pour regarder mon mari, j'ai l'impression de redécouvrir son visage à lui, fatigué mais tellement beau.


Je garde un souvenir fabuleux de cet accouchement, que j'ai bien du mal à retranscrire. Malgré les aléas fonctionnels, le trajet en voiture, la sage-femme de l'hôpital peu amène, la scène surréaliste où deux soignants hurlent à mon entrejambe de pousser, j'ai la sensation de ne pas avoir quitté cet état second, protecteur, construit lors du travail à la maison, et c'est ce qui, j'en suis sûre, m'a permis de ne jamais avoir réellement peur ou mal. Je croyais d'ailleurs que cette absence de douleur ne serait que temporaire, et que les lendemains seraient plus difficiles, mais finalement je n'ai jamais eu besoin d'antidouleurs, la seule difficulté rencontrée ayant été ... une courbature géante aux fesses !

Nous sommes très reconnaissants à Noisette, dont la présence chez nous puis l'accompagnement à la maternité a permis à ce cocon de se créer et de se maintenir. Dans ce premier moment seuls à trois dans la salle d'examen, nous avons décidé de donner comme troisième prénom à notre fille celui de Noisette. Par la suite, celle-ci nous dira que cette expérience l'a convaincue qu'elle était faite pour accompagner des accouchements à domicile, et m'a assurée spontanément qu'elle serait là pour mon prochain accouchement ... à la maison !

 

 

 

 

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